lL'ARTICLE DU MOIS DE FEVRIER

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Séjour de pêche en Irlande : Pourquoi la  SUIR?

Dans la vie d’un pêcheur de truite à la mouche, il arrive toujours un moment où, ayant promené sa passion sur de nombreuses rivières de France et de Navarre, il éprouve un jour l’envie irrésistible de se retrouver la canne à la main sur des rivières où l’intervention humaine a été réduite au minimum et où la pêche des poissons totalement sauvages représente un réel défi. Ce challenge, je suis venu le vivre en 1977 sur la fameuse rivière SUIR dans le sud de l’Irlande. Ce fût une telle révélation, que 34ans plus tard, j’y suis toujours…

J’ai fait mes premières armes à la mouche à la pointe de l’île Saint-Louis sous l’œil bienveillant de Monsieur Béchu le guide d’alors de chez le fameux Jean-Michel Dubos. Et si les leçons de ce vieux maître m’avaient permis d’obtenir rapidement des résultats relativement corrects sur l’Iton et l’Andelle, les choses se compliquèrent sérieusement lorsque je me rendis sur des parcours plus « pointus » comme ceux de Vix sur la Haute-Seine ou ceux de la Nivelle au Pays Basque.

C’était pendant les années 70, période à laquelle on pouvait encore être assuré d’avoir à faire face à de vrais poissons sauvages que je découvris, souvent à mes dépends, que le plaisir du pêcheur à la mouche est toujours directement proportionnel à la qualité des adversaires auxquels il a à se mesurer.

Depuis ces escapades dans les quatre coins de l’Hexagone et aussi de nombreux séjours sur des rivières européennes bien gérées et régulièrement stockées d’espèces intéressantes pour le moucheur, rien n’a jamais pu remplacer à mes yeux le plaisir de rechercher dans des eaux souvent difficiles la vraie truite de souche, la truite de mer ou le saumon atlantique imprévisible.

C’est ce besoin d’authenticité qui m’amena un jour tout naturellement en Irlande. Après avoir écumé pour un temps les belles rivières du Connemara et du Kerry, j’eu le grand bonheur de passer une semaine sur les bords de la fameuse Suir, la rivière ayant la réputation d’être la meilleure rivière à farios sauvages de l’île et celle où sont pris chaque année les plus gros saumons de l’île. Ce fût un coup de foudre inconditionnel… et l’année suivante en 1978  je revins m’installer définitivement sur ses rives…

Pourquoi une telle réputation ? En effet, à première vue, cette rivière semi-calcaire n’a rien de spécialement remarquable. Très similaire à la Loue d’il y a 25 ans, la Suir n’étonne vraiment que par la densité étonnante des truites sauvages qui la peuplent et aussi par la taille des saumons atlantiques qui la remontent tout au long de l’année. Les raisons de cette richesse piscicole sont multiples : une qualité de l’eau assurée et contrôlée par plusieurs stations d’épuration efficaces, une politique de protection de l’environnement appliquée avec rigueur par la majorité des agriculteurs riverains, une gestion rationnelle des ressources naturelles, une pression de pêche et un prélèvement de poissons relativement faibles et enfin l’absence d’une prédation naturelle excessive expliquent aisément la qualité étonnante de la pêche sous toute ses formes dans cette rivière.

L’eau étant extrêmement riche en sels de calcium, les herbiers poussent rapidement, créant de ce fait un biotope idéal pour une microfaune aussi abondante que variée (larves, nymphes, gastéropodes, insectes terrestres, écrevisses européennes etc.).

La prodigalité de la nourriture subaquatique, n’empêche pas les truites d’être néanmoins très actives en surface ou juste sous la surface privilégiant ainsi la pêche à la mouche sous toutes ses formes (sèche, noyée, nymphe). La pêche « en noyée », avec un train de trois mouches est d’ailleurs la méthode favorite des « locaux » et pêcher de cette façon  jusqu’à une heure avancée de la nuit (la pêche de nuit est autorisée en Irlande) donne souvent d’excellents résultats et permet de capturer les gros poissons toujours plus méfiants. Toutefois, comme Jean Louis Pelletier, grand spécialiste de cette forme de pêche à la mouche,  me l’avait magistralement démontré un jour,  pour bien réussir à l’aide de cette méthode, il est essentiel de s’équiper de plusieurs soies (flottante, pointe plongeante, intermédiaire et plongée semi-rapide) afin de pouvoir présenter les artificielles au niveau où se trouvent les poissons actifs. 

Contrairement aux autres grandes rivières du Sud de l’Irlande comme la Blackwater, la Nore et la Barrow qui abritent de grandes populations de poissons blancs et de carnassiers, la Suir présente la particularité unique de n’abriter que des salmonidés (truites, saumons et aussi quelques truites de mer dans les parcours près de la limite de la marée) et quelques poissons marins anadromes comme les aloses feintes, les lamproies marines qui viennent s’y reproduire vers la fin-mai et le début du mois de juin.

Donc, dans cette rivière, pas de doute possible... « Si ça gobe...c’est une truite...». Cette absence de poisson fourrage présente un autre avantage en ce que les truites se concentrent en grande majorité sur la microfaune indigène et de ce fait sont plus souvent active en surface que sur beaucoup d’autres rivière de l’île. Les gros spécimens sont spécialement friands des myriades d’écrevisses européennes qui peuplent cette rivière et la pêche « au bikini » (autorisée en Irlande) avec de grosses nymphes lestées  donne souvent d’excellents résultats sur ces poissons qui ne mouchent vraiment bien qu’à la nuit tombée.     

Avant d’aborder la Suir la canne à la main, il est important de tenir compte au préalable d’un certain nombre de paramètres incontournables. En premier lieu, il est  important de noter qu’en  Irlande, le début du printemps est souvent froid et humide et que la pêche à la mouche ne devient vraiment intéressante qu'à partir de la mi-mai. La deuxième quinzaine de Mai, Juin et Juillet et août sont sans aucun doute les meilleures périodes pour la pêche de la truite  à la mouche en sèche dans ce pays. Juin, Juillet et surtout Septembre reste les périodes le plus propices  pour la pêche du saumon à la mouche et aussi aux leurres (les Quimperloises noire ou rouges restant les modèles les plus prenants depuis plusieurs années).

Ensuite, dans la Basse-Suir, la rivière est large et puissante  et bien que la pêche en pantalons de pêche soit pratiquement partout possible et sûre, il est vital de savoir que  l’Irlande est une île et qu’elle est donc en permanence sous l’influence directe des marées et de ce fait c’est un pays où il y a souvent du vent et qu’il est donc essentiel de laisser les « fins fleurets » à la maison et de se munir de cannes à une main puissantes de 9 pieds /9½ pieds ayant  de préférence une action de pointe et  équipées de soies DT ou WF 5/6. Une canne de 10 pieds et plus, genre "réservoir" convient aussi et peux servir à pêcher les petits saumons (castillons) à la mouche. Néanmoins, si vous comptez pêcher le saumon à la mouche,  il est fortement recommandé de choisir des cannes à saumons à deux mains d’au moins 14 pieds pouvant lancer des soies DT 10/11 flottantes, intermédiaires ou à pointes plongeantes. Par eaux fortes seuls les pêcheurs équipés de cannes (genre Guide Line) capables de lancer confortablement des « shooting heads » obtiennent de bons résultats aussi je conseillerais aux pêcheurs débutants cherchant à s’équiper pour le saumon de privilégier ce type de modèle de cannes;

Un autre point important est de savoir que les locaux pêchent la truite essentiellement en « noyée » et qu’il est souvent difficile de trouver sur place des mouches sèches de qualité. Toutefois, il est réconfortant d’apprendre que les artificielles françaises donnent d'excellents résultats et voici ci-dessous une liste de mouches cocoricos qui « marchent » très bien sur la Suir. Garnir sa boite à mouche en conséquence devrait vous permettre de faire face pratiquement à toutes éventualités.

*Cul de Canard en sèches et émergentes (16/18/20) 

*Phryganes claires (10/12/14/16)

*Altière (16/18/20)

*Devaux  A4 / 929/ 917 / 420 (16/18/20)

*Tricolore et Paysanne de Bresson (16/18 /20)

*Moucheron noir à double collerette (16/18/20)

*Phryganes foncées (10/12)

*Fourmis noires et rouges en petites tailles (18/20)

Les fameux  "coups du soir" sur la Suir sont toujours des moments sublimes. A ces heures tardives les éclosions massives d'olives à ailes bleues sont généralement suivies  par celles de phryganes de toutes tailles  et c'est alors le " moment magique" où la rivière semble être en ébullition, tant les gobages  sont nombreux et bruyants. Toutefois, honnêteté oblige, il est bon de noter que, malgré la forte densité de truites qui la peuplent, la Suir n'est pas une rivière facile à pêcher, et que l’expérience tend à prouver que dans ce type de rivière sauvage, les "paniers" sont presque toujours  proportionnels à la qualité de votre technique… Néanmoins, loin d’être réservée aux experts, le néophyte trouvera sur la Suir, un terrain d’entraînement idéal. Le grand nombre et la sélectivité des poissons actifs  qu’il pourra attaquer lui permettront d'améliorer sa technique et de la corriger plus rapidement

La question initialement posée par cet article était  « Pourquoi la Suir ? » La réponse en est simple...Quel pêcheur à la truite, digne de ce nom, résisterait à pêcher une rivière unique en Europe remplie de poissons sauvages et sélectifs et qui lui offre aussi l’option de s’initier à la pêche du saumon si l’envie lui en prenait ? Et quel « saumonier » serait insensible à la possibilité d’essayer de capturer les plus gros saumons de l’île sur une rivière se prêtant merveilleusement à la pêche de ce poisson à la mouche et qui, si d’aventure ce dernier « boudait » comme c’est souvent le cas... pourra se refaire le moral sur les truites qui ne tarderont pas à le narguer et à lui rappeler qu’avant d’avoir attrapé la «saumonite »... il avait débuté comme nous tous en taquinant la truite...la vraie !

A bientôt.

Cordialement vôtre.
JEAN-LOUP TRAUTNER

 

 

                                                                                   

 

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