lL'ARTICLE DU MOIS DE MARS

Les dernieres nouvelles de la peche en irlande.

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LA SUIR  « la Rivière des Moucheurs »

Résidant en Irlande depuis 1978, j’ai eu la chance depuis un quart de siècle de pêcher la plupart des bonnes rivières à salmonidés de ce pays. Si la majorité d’entre elles ont beaucoup à offrir aux pêcheurs à la mouche aucune ne m’a apporté autant de joies et de plaisir pur que la SUIR dans le Comté du Tipperary. Réputée à juste titre pour être la meilleure rivière à truites du pays, c’est aussi dans ce cours d’eau que sont pris chaque année les plus gros saumons de l’île. Cette dualité de pêches possibles fait de la SUIR une destination de pêche idéale pour un moucheur tenté par l’aventure Irlandaise.

L’une des fameuses « Three Sisters » du Sud de l’île, la SUIR est une grande rivière calcaire semi-rapide qui, contrairement à ses deux « sœurs » la Nore et la Barrow et aussi à la Blackwater voisine, ne possède ni poissons blancs (vandoise, gardon, brème etc.) ni prédateurs du type brochet, sandre, perche etc. Mis à part les farios sauvages et les saumons, on n’y trouve  que des anguilles, des aloses feintes, des lamproies marines, des flets et aussi quelques truites de mer qui remontent tous dans ce cours d’eau pour y frayer. Cette particularité unique en Irlande est une bénédiction pour le pêcheur à la mouche car à défaut de poissons fourrage, les truites de la Suir s’alimentent essentiellement sur la petite faune aquatique.

Bien que la densité des poissons soit importante sur tout le cours de la rivière, c’est néanmoins dans la Basse-Suir (entre Ardfinan et Carrick on Suir) que se trouvent les parcours de pêche les plus intéressants et aussi les plus productifs. Les eaux plus profondes sont recherchées par les grosses truites et les meilleurs tributaires de reproduction (l’Anner,la Nire et la Tar) étant relativement proches de l’estuaire (entre 10 et 25 km), les saumons ont tendance à se cantonner longtemps dans ces eaux où les postes de repos de qualité abondent. Tout au long de la saison de pêche (du 1er mars au 30 septembre), la cohabitation de ces deux espèces de salmonidés dans les mêmes pools est un bonus appréciable pour le pêcheur à la mouche car, si d’aventure, le saumon boude…comme il le fait malheureusement fréquemment…les farios locales seront toujours présentes pour lui offrir un challenge de qualité.

L’eau de la rivière étant très riche en sels de calcium, les herbiers, les mousses et les algues poussent rapidement, créant de ce fait  un refuge idéal pour une micro-faune aussi abondante que variée (larves, nymphes, gastéropodes, insectes terrestres, écrevisses etc.). Ce biotope très riche produit des truites sauvages grasses, puissantes et à la défense explosive. Bien que jamais énormes (record-client est de 7 1/2 livres en sèche), les poissons de la livre et plus sont nombreux dans la Suir comme le prouve d’ailleurs les chiffres officiels obtenus lors de la dernière pêche électrique effectuée en 2007 ( 2700 truitelles de 12cm et plus par hectare et 1 truite adulte (2 à 4 ans) pour 6.2 m³). Chiffres impressionnants surtout si l’on  considère  que la totalité de la population des farios présentes dans la rivière est le résultat d’une reproduction exclusivement naturelle.

Sur la Basse-Suir, la largeur de la rivière varie de 25 à 40m. Le courant puissant  mais régulier, les fonds de gravier stables et une profondeur moyenne relativement faible facilitent la pêche dans l’eau. Bien que la pêche en wading permette l’utilisation de cannes relativement courtes, l’incroyable combativité des farios locales alliée au fait que l’Irlande soit un pays bien souvent venteux imposent généralement le choix d’une canne puissante  de 9 / 9½ pieds à action de pointe avec une soie DT 5/6 qui permet de lancer beaucoup plus facilement dans des conditions difficiles et de mieux contrôler les combats avec les poissons récalcitrants. Une canne de 10 pieds et plus équipée d’une soie relativement lourde DT 6/7, genre "réservoir" convient aussi et peut servir également pour la pêche des castillons.

Dans la Suir, l’abondance des proies sub-aquatiques cachées dans les herbiers n’empêche pas les truites d’être souvent très actives en surface ou juste sous la surface favorisant de ce fait la pêche à la mouche sous toutes ses formes (sèche, noyée, nymphe). Bien que la saison de pêche en rivière en Irlande débute le 1er mars, il est important de noter que les printemps irlandais devenant de plus en plus tardifs, la pêche à la mouche en début de saison est généralement décevante. Les précipitations hivernales accrues font que les grandes rivières de l’île sont souvent très lentes à se réchauffer et ne deviennent donc vraiment intéressantes pour les moucheurs que vers la fin du mois d’avril. Avant cette époque, les activités de surface sont toujours de courte durée et sont généralement concentrées pendant les heures les plus chaudes de la journée (de 10h du matin à 3h de l'après-midi).

Au début du printemps, pour espérer tirer régulièrement son épingle du jeu, il est donc souvent nécessaire de pêcher en « noyée ». Comme me le prouva magistralement le regretté Jean Louis Pelletier, grand spécialiste français de cette discipline, lors de l’une de ses visites sur mes parcours de pêche, cette technique de pêche est nettement plus technique te subtile qu’elle n’apparaît au premier abord. Souvent décriée et généralement peu utilisée, la pêche en noyée, pour être vraiment payante, demande une technique sure, un équipement adéquat et un excellent sens de l’eau. En effet, afin de pouvoir présenter son train de mouches noyées à la profondeur où se tiennent les poissons en activité, il est essentiel d’avoir dans son arsenal au minimum, une soie flottante, un soie flottante à pointe plongeante et au moins 2 soies plongeantes (une lente et une rapide). Bien pratiquée, cette forme de pêche donne des résultats étonnants sur la Suir et elle permet de continuer à prendre du poisson même lorsque l’activité de surface est nulle. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si les pêcheurs locaux favorisent la plupart du temps cette méthode de pêche à la mouche. Pêchant rarement la truite pendant la journée, ils utilisent quant à eux un matériel remarquablement peu sophistiqué. Armés généralement d’une canne « trique » puissante, d’une soie lourde et de mouches ayant fait leurs preuves depuis des générations (Butcher, B.W.O, Peter Ross, Iron Blue Dun, Medium Olive, Red Spinner, Cinnamon Sedge, Wickam Fancy, Black Gnat etc.), ils ratissent  les têtes et les queues  de pool jusqu’à nuit noire. La faible luminosité rendant les farios nettement moins méfiantes, cette méthode leur permet de faire souvent des cartons impressionnants. Notons au passage que les mouches noyées utilisées en France donnent de très bons résultats sur la Suir. Les Palarettas,  les imitations de vers d’eau, de petits alevins, de gammares et de larves de phryganes avec ou sans fourreau  n’ont rien à envier aux artificielles britanniques et leur utilisation pendant les périodes où la rivière semble « morte » permet de capturer des truites ignorant totalement imprenables en « sèche » ou en « nymphe ».

L'arrivée du mois de Mai est saluée par de nombreuses éclosionsd'olives moyennes (baetis buceratus, baetis tenax), d'éphémères pâles (centropilum luteolum, baetis fuscatus) et d'olives à ailes bleues (ephemerella ignita). Les premiers trichoptères (phryganea grandis, phryganea striata, rhyacophila dorsalis etc.)  suivent de près, prolongeant  l'activité de surface jusqu'en fin d'après-midi et apportant avec eux la promesse de ces fameux "coups du soir" irlandais.

La rivière n'ayant que très peu de zones vaseuses, il n'y a  pratiquement aucune éclosion  de "Mouche de Mai" et, curieusement, les rares ephemera danica qui émergent sont rarement prises par les truites en activité. Les farios de la Suir semblent avoir une prédilection pour les mouches de très petite taille. Mises à part pendant les éclosions massives de grosses phryganes qui débutent dès la fin du printemps, il est essentiel de pêcher en sèche la plus part du temps avec de petites artificielles (16/18/20) et avec des nylons très fins (12/10èmes) car les truites de la Suir sont très sensibles à la finesse des bas de ligne.

Contrairement aux "chalk-stream" anglais, alimentés en grande partie par des sources d'eau très claire filtrée par la chaux, les rivières semi-calcaires d'Irlande sont généralement alimentées par les eaux de ruissellement qui sont filtrées par du calcaire très poreux. Le filtrage par cette roche très foncée, laisse un résidu sombre et opaque qui finit par se déposer sur le fond des rivières rendant le repérage des truites en activité très difficile. Face à ce problème, les fervents de la pêche à la nymphe sont souvent forcés d’utiliser un "rigoletto" sur le corps de la ligne ou bien d’ajouter d’une sauteuse très fournie comme témoin de touche. Cette méthode, souvent décriée par les « puristes » permet néanmoins de souvent capturer les grosses pièces qui refusent systématiquement toutes vos imitations présentées en sèche.

Les fameux « coups du soir » de la Suir sont toujours des moments magiques et la pêche de nuit étant autorisée en Irlande, rien ne vous empêche de pêcher jusqu'à une heure avancée de la nuit et même de faire « les  trois huit » si le cœur vous en dit!

L’Irlande étant relativement proche du cercle polaire, les nuits sont  souvent  très claires et les parcours de la Basse-Suir étant orientés principalement d'Est en Ouest, en pêchant dans le "miroir" qui se forme sur la surface de l’eau lorsque l'on pêche directement vers l'amont, il est possible après une ou deux soirées d'adaptation de détecter des gobages même très tard le soir, période à laquelle les plus gros poissons sont dehors. A ces heures tardives les éclosions massives d'olives à ailes bleues sont généralement suivies  par celles de phryganes de toutes tailles et enfin par la retombée des spents de BWO  et c'est alors le " moment magique" où le nombre incroyable de gobages donne l’impression que la rivière est en ébullition.

En Juillet et Août sur la rivière Suir, les éclosions typiques sont celles d'Olives à ailes bleues, d'éphémères pâles et d'éphémères pâles du soir, de phryganes cannelles et rouges, de Silverhorn et de Murrough et l'activité de surface  matinale  et crépusculaire qu'elles déclenchent est souvent frénétique, permettant souvent au pêcheur à la mouche confirmé d’obtenir des résultats exceptionnels.

Si la pêche du soir est relativement aisée sur la Suir, les moucheurs découvrant cette rivière en période estivale sont souvent déroutés par la difficulté à faire monter les poissons actifs pendant les journées fortement ensoleillées. Finis les multiples gobages bruyants et avides du "coup du soir" tapissant la rivière, finis les éphémères trapus dérivant la voile haute et les grosses phryganes zigzaguant à la surface, le "menu" a changé et  les farios se tiennent à table différemment. Les insectes dérivant en surface, souvent si ténus qu'ils en sont presque invisibles, sont interceptés par les farios sauvages avec une discrétion infinie. Les Simulies, les fameuses "Black Curse" (Peste du pêcheur), les chironomes, les Midges et Buzzers britanniques, les Caenis,  l’infâme White Curse (Peste blanche) représentent une importante source de nourriture pour les farios locales qui en raffolent et s'installent sur ces micro-moucherons dès que la "table est mise". Bien que les truites actives sur ces micro-mouches soient toujours très sélectives et  difficiles à leurrer, leur valeur sportive pour le pêche à la mouche est incontestable. Afin d’augmenter ses chances de succès, il est fortement recommandé d'utiliser des bas de ligne très longs (minimum 4m) et des pointes ultra fines (10/100èmes et même parfois 8/100èmes) et de pêcher en lançant 3/4 aval afin de présenter l'artificielle avant le bas de ligne. A la fin de l’été et pendant tout le mois de septembre, la prédominance des activités matinales et crépusculaires est nettement moins évidente et la pêche diurne redonne alors d’excellents résultats.

Sur mes parcours de la Suir, les truites semblent connaître par cœur la quasi-totalité des montages traditionnels anglais qu’elles refusent le plus souvent avec mépris. En revanche les artificielles françaises donnent souvent d’excellents résultats. Leurs montages légers, vaporeux et aérés cherchant plus à suggérer qu’à imiter semblent être plus évocateurs aux yeux des truites irlandaises que la symétrie et la rigidité des montages britanniques. Les artificielles mentionnées dans le tableau inclus ci dessous vous permettront sans aucun doute, de faire face à pratiquement toutes éventualités une fois sur place.

                               Guide d’Utilisation des mouches françaises les plus courantes

*French Tricolore: Montée en 3 tailles 16/18/20, cette mouche géniale dans sa simplicité, imite à peu près tous les éphémères de taille moyenne qui éclosent sur la Suir, en particulier les Ephémères bleu de fer et les Olives à ailes bleues. Ma version personnelle, gris foncé, gris moyen, gris clair sur hameçon de 20 réussit très bien pendant les éclosions de simulies et de chironomes.

*Altière : à monter en 3 tailles, petite, très petite et encore plus petite. Indispensables pendant les éclosions de fourmis volantes, elle imite aussi à merveille toutes les petites « cochonneries à ailes blanchâtres » type midges, présentes par milliards par temps chaud et orageux.

*A4, S7 et 919 de Devaux : ces mouches montées en 2 tailles 16/18 et de préférence sans aile (afin de minimiser le vrillage des pointes en 10/12 100èmes)  imitent parfaitement toute une pléiade d’éphémères présentes à un moment ou à un autre sur la Suir (notamment l’éphémère bleu de fer : Iron Blue Dun et les Olives moyennes : Medium Olive) et sont particulièrement efficaces dans les courants en tête et queue de pool.

*Paysanne : En taille 14 et 16, permet de s’accorder avec les retombées massives de Sherry Spinners (ephemerella ignita) pendant les soirées estivales.

*Peute:  Permet de faire face avec confiance à toutes les invasions crépusculaires et nocturnes de phryganes. Seul le choix de la taille peut poser un problème car sur la Suir, il n’est pas rare d’assister à des éclosions de sedges de tailles très différentes ( de 2/3mm à + de 2 ,5cm de long). Les truites se montrent alors très sélectives et il devient essentiel de disposer de la bonne taille. Avec un assortiment monté sur hameçons de 12 à 18 on est à peu près certain d’être équipé convenablement.

*Cul de canard :  montés en sèche, en émergente et en spent ces artificielles sont devenu des « musts » sur la Suir comme ailleurs. Utilisées en taille 16/18/20, ces mouches permettent imiter efficacement et facilement toutes les espèces de mouches qui intéressent les truites irlandaises. L’imitation des spents d’Olives à ailes bleues (cul de canard gris-brun et corps brun-rouge hameçon 18) est indispensable pendant les « coups du soir » estivaux. Un montage en CDC blanc corps en soie ou laine blanche sur hameçon de 16/18 imite aussi à merveille les Olives pâles du soir et les petites Olives pâles qui éclosent en grand nombre sur la Suir au début de l’été.

Tableau des éclosions principales sur la Suir

Nom latin

Nom anglais

Nom français

Baetis rhodani

Large dark olive

Rhodani d'Hiver

Ritrogena haarupi

March Brown

Ephémère brun de Mars

Ecdyonurus venosus

Late March Brown

Grand éphémère brun de Mars

Baetis pumilus

Baetis niger

Iron Blue Dun

Iron Blue Spinners

Ephémère bleu de fer

Imagos

Baetis buceratus

Baetis tenax

Baetis Vernus

 

Medium Olive

 

Olive moyenne

Baetis atrebatinus

Dark Olive

Olive sombre

Chironomidés

Midges

Chironomes

Gammmarus pulex

Shrimp

Gammares

Protonemura meyeri

Early brown

Nemoure précoce

Centropilum luteolum

Baetis bioculatus

Small Pale Watery

Pale Watery Dun

Petite éphémère pale

Ephémère Pale

Ephemerella ignita

Blue-winged Olive

Olive à ailes bleues

Ephemerella notata

Yellow evening Dun

Ephémère jaune du soir

Heptagenia sulphurea

Yellow May Dun

Ephémère jaune de Mai

Caenis horaria

Caenis macrura

Caenis

Broadwings

White Curse

Fisherman Curse

Caenis jaune

Caenis de rivière

Phryganea grandis

Phryganea striata

 

Rhyacophila dorsalis

 

Brachycentrus subnubilus

 

 

Great Red Sedge

 

 

Sandfly

 

Grannom

 

Black Caperer

Grande Phrygane rouge

Mouche des joncs

 

Petite Phrygane à corps vert

 

 

Phrygane noire

 

Sialis lutaria

Alder Fly

Mouche de l'Aulne

Bibio Marci

Hawthorn Fly

Mouche de la St Marc

Mouche de l'Aubépine

Bibio johannis

Black Gnat

Mouche de la St Jean

Isoperla grammatica

Yellow Sally

Mouche de Pierre jaune

Simulium (spp)

Reed Smuts

Angler's Curse

Black Curse

Mini moucherons

Peste Noire

Peste du Pêcheur

A la truite, l’expérience prouve sur la Suir, que si l’on est prêt à utiliser toutes les techniques de pêche à la mouche qui s’imposent, il est pratiquement toujours possible de « faire pêche ». Quand il s’agit de saumon, il faut admettre que les résultats sont nettement plus aléatoires et que la qualité de la pêche durant la saison (de mars à septembre) est intimement liée aux variations de niveau de la rivière. Comme dans la plupart des rivières à saumon du monde, ce sont les crues et les montées d’eau, mêmes légères, qui incitent les saumons à entreprendre leur remontée vers l’amont et c’est pratiquement toujours durant ces mouvements migratoires que les poissons sont  les plus « mordeurs ».

Réputée jadis, comme la meilleure rivière à saumon de printemps d’Irlande, la Suir a été malheureusement victime, comme tant d’autres cours d’eau des îles britanniques, de la rapacité des marins-pêcheurs et de l’aveuglement complice des autorités concernées par le contrôle de leur activité. Néanmoins, si le nombre de saumons remontant la Suir n’est pas comparable à celui enregistré dans la Moy, il est toutefois important de constater que c’est chaque année dans la Suir que sont pris les plus gros saumons irlandais. Alors que les prises effectuées dans les cours d’eau du nord Ouest de l’Irlande se mesurent généralement en livres, les poissons pris dans la Basse-Suir se comptent eux plus souvent en kilos et nombreux sont  mes clients qui ont pris, au fil des ans, des saumons dépassant largement les 10 kgs

 De même, contrairement à certaines rivières à saumons irlandaises plus réputées, la Suir se prête merveilleusement à la pratique de la pêche du saumon à la mouche. Au fil du temps, le cours et le lit de la rivière ont été modifiés. En plus des petits barrages naturels en tuf, les propriétaires riverains avaient édifié, dans le passé, des retenues uniquement passables par eaux fortes : les weirs. Bloquant pour un temps, la progression des saumons vers l’amont, ces petits barrages artificiels permettaient aux lords et ducs anglais de pêcher à loisir les saumons arrêtés en aval de ces obstacles. De nos jours, la plus grande partie de ces « weirs » a été détruite ou endommagée par les crues successives. Leurs vestiges n’en constituent pas moins des postes de premier ordre pour les saumons, marquant donc d’excellents pools, productifs et facile à pêcher au « grand fouet »

Chaque année, la pêche au saumon commence généralement vers le début du mois de mars, période à laquelle les saumons de printemps commencent généralement à remonter la rivière. A cette époque, les eaux hautes et froides du début de  saison favorisent plus la pêche aux engins  métalliques et la pêche au ver que celle à la mouche en soie plongeante qui s’avère souvent ingrate et décevante. Ayant près de 9 mois pour se rendre sur les frayères, ces  poissons remontent lentement et semblent privilégier les parcours proches de la limite de la marée riches en postes de repos de qualité. Présentant une succession de courants vifs, de radiers et de profonds, les eaux des parcours de la Basse-Suir présentent des conditions idéales  pour la pêche du saumon au grand fouet et dès que les eaux de la rivière atteignent le « bon niveau », les poissons acceptent souvent volontiers une mouche bien présentée. Puissants et combatifs à souhait, ils représentent à mon avis le nec plus ultra de tout « saumonier » qui se respecte.

Bien qu’il soit toujours possible de les  pêcher avec une canne à 1 main puissante de 9.6 pieds munie d’une soie DT 8/9 flottante ou  à pointe plongeante, l’usage d’une canne à 2 mains de 14/15 pieds équipée d’une soie DT 10/11 flottante, intermédiaire ou à pointe plongeante  est fortement recommandé. La puissance de ces cannes alliée à leur plus grande souplesse permet de lancer loin  plus facilement, de mieux contrôler la dérive de la mouche et aussi de fatiguer plus rapidement le poisson une fois ferré.

Les castillons (poissons étant restés 1 an en mer) commencent à apparaître dans la rivière au mois de mai. Fantasques et très combatifs ils prennent très bien la mouche et acceptent  même occasionnellement une mouche sèche bien présentée (sedges, bumbles). Moins territoriaux que les saumons de printemps, ils se postent un peu partout dans la rivière et ont tendance à migrer vers l’amont plus rapidement que ces derniers. Leur arrivée dans les pools est généralement trahie par la présence dans la rivière de lamproies marines qui, incapables de combattre le courant par leurs propres moyens, les  parasitent  pour remonter vers leurs frayères.

Les saumons d’automne apparaissent dès la mi-août mais c’est surtout en septembre, aidés par les grandes et fortes marées d’équinoxe que les « Late Harvesters », saumons pesant entre 10 et 25 livres commencent à coloniser peu à peu la rivière. La période de reproduction approchant, ils ont tendance à remonter plus vite et en plus grand nombre que les saumons de printemps. Ayant atteint leur maturité sexuelle ils cherchent déjà à s’apparier dans la rivière. L’intense  compétition qui en résulte les rend souvent très « mordeurs » et nombre d’entre eux tombent victimes d’une mouche bien présentée.

Pêchant le saumon depuis près de 30 ans, je suis désormais totalement convaincu que pour réussir à ce jeu, la présence d’un saumon mordeur dans un pool est nettement plus importante que le choix de la mouche à présenter à ce dernier et comme l’expérience le confirme… c’est toujours la mouche qui pêche le plus qui prend le plus de poisson... Fort de ces constatations rassurantes, je n’agonise plus dorénavant sur le choix de l’artificielle à employer, me concentrant plutôt désormais à soigner mes lancers ainsi que la présentation et la dérive de ma mouche.

Toutefois il existe une méthode de choix qui s’est avéré à l’usage être suffisamment  rationnelle et efficace pour être conseillée aux néophytes. Extrapolation de l’adage bien connu « Temps clair, mouche claire etc. », cette méthode a le mérite certain d’une part de ne recommander  qu’un nombre limité d’artificielles et d’autre part d’être toujours valable même si l’on applique en utilisant d’autres types de mouches que celles mentionnées dans les 3 exemples cités (mouches bretonnes, mouches des gaves, créations personnelles etc.). Montées en 4 tailles (6,8,10,12) elles permettent de faire face à la majorité des conditions de pêche rencontrées au cours de la saison.

Météo

Mouche

Exemple n°1

Exemple n°2

Exemple n°3

Ensoleillé

Très claire

Silver Blue

Kenny’s Killer

Silver Doctor

Bonne visibilité

Claire

Logie

Pot Scrubber

Yellow Torrish

Couvert

Normale

Blue Charm

Lemon Grey

Green Highlander

Faible visibilité

Sombre

Thunder&lightning

Sweep

Munroe Killer

Eaux  basses et

 Chaudes

Crevette

General Practitioner

Purple Shrimp

Blue Shrimp

 

Le tableau ci-dessus n’est qu’un exemple. Les possibilités de permutations sont multiples mais ces règles de base restent néanmoins de solides fondations pour s’attaquer à la pêche de ce poisson. En ce sui me concerne, ne pêchant pratiquement plus que la Suir, mes trois mouches favorites pour cette rivière sont la « Blue Charm », la « Dunc Shrimp » et la « Usk Grub ». Ceci-dit, comme je n’en utilise pas d’autres, la validité de ce choix  n’est évidemment que très relative...

 Bien qu’un «grand nombre d’heures de vol» soit toujours un atout important dans toutes les disciplines de pêche,  prendre du saumon à la mouche n’est cependant  nullement l’apanage des « vieilles mains ». La technique de base de cette discipline est fort simple et une leçon préalable d’un quart d’heure  « sur le pré » permet généralement à quiconque d’attaquer un pool à saumon avec  une canne à 2 mains avec toutes les chances de succès…La Suir est une rivière idéale pour s’initier à cette forme de pêche souvent déroutante et intimidante pour le profane. Les rives dégagées et la profondeur modeste permettent au pêcheur d’utiliser des lancers verticaux simples et la morphologie de la rivière ne nécessite que très rarement l’usage de lancers plus difficiles à maîtriser tels les doubles et simples « spey-casts » indispensables aux pêcheurs dans certaines rivières écossaises.

                                                                

A bientôt.

Cordialement vôtre.
JEAN-LOUP TRAUTNER

 

 

                                                                                   

 

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